En 20 ans, il s’en est passé des choses dans le domaine de la construction. Le 18 juin 2000, les poutres du viaduc du Souvenir s’effondraient sur l’autoroute des Laurentides faisant 3 victimes par le fait même. L’entrepreneur Beaver Asphalte met la clé dans la porte suite à cet incident. Le 30 septembre 2006, le viaduc de la Concorde s’effondre et fait 11 victimes. Imaginez-vous donc que l’une de ces victimes s’appelait Mathieu Goyette. Sa conjointe qui était enceinte a été ensevelit avec lui tragiquement sous la structure. C’est vrai ce que je vous raconte et à chaque fois que j’en parle, je me rends compte que ça aurait pu être moi… En 2009, j’étais engagé dans une des entreprises de Tony Accurso mieux connu sous le nom de Simard-Beaudry. J’étais un des 4000 employés qui travaillait là. Deux semaines après mon embauche, Revenu Canada débarquait à nos bureau. Je me disais : « Dans quelle compagnie je viens juste de m’engager moi là ». Ensuite, ce fut les médias, les histoires de bateau, toute sorte de chose sortait de tout bord tout côté alors que la plupart des employés ne savait pas ce qui se passait vraiment dans l’entreprise. Le 19 octobre 2011, c’est le début de la Commission Charbonneau. Étant de nature très curieux, j’ai écouté ce qu’on y disait car ça touchait mon travail d’ingénieur et je voulais comprendre. Alors j’ai entendu l’un après l’autre les Lino Zambito, Bernard Gauthier et Ken Pereira qui se sont adressé devant la juge Charbonneau et chacun de leur témoignage a été percutant pour moi. En 2013, j’ai quitté l’entreprise car notre employeur ne nous donnait aucune réponse par rapport à ce qu’on entendait dans les médias et à la commission. J’ai aussi rencontré l’UPAC par la suite car je voulais être sûr d’avoir l’esprit tranquille face à tout cela et ainsi pouvoir passer à autre chose.
J’ai débuté comme ingénieur en génie civil en 2004 et je me suis toujours spécialisé dans le domaine des routes et des ponts mais j’ai aussi une certaine expérience dans des domaines connexes (Usine, barrage, tunnel, grands projets complexes). En fait, c’est mon expérience comme estimateur dans mon parcours qui m’a permis de toucher à tous ces types de projets. Le 24 novembre 2015, j’ai lu les recommandations de la commission et je crois qu’elles sont viables mais j’aimerais aujourd’hui amener des pistes de solution pour aller plus loin. Ces aspects sont plutôt techniques mais ce sont des pistes qui je crois devrait être exploré.
Mettre le projet à l’avant
Lorsque vous construisez votre maison, vous voulez que le résultat soit le meilleur possible. Parfois, cela va coûter un peu plus cher que prévu ou cela va prendre un peu plus de temps mais si le résultat final rencontre le meilleur des besoins initiaux alors pourquoi pas prendre un peu plus son temps et de son budget si c’est meilleurs au final. Parfois, les entreprises se concentrent trop sur les coûts et on obtient une maison de moins bonne qualité à cause de cela. D’autre fois, on veut aller trop vite pour éviter les pénalités mais on passe à côté d’éléments pratique qu’on va regretter après la construction. Bien sûr, le budget et l’échéancier sont importants mais si tous les intervenants changeaient leur façon de voir les choses, le résultat en serait amélioré. Une cote de satisfaction globale du projet pourrait être donnée pour les différents intervenants pour changer la mentalité lors de la construction. Cette cote pourrait être utilisée lors de futur appel d’offre.
Un projet en collaboration plutôt qu’en compétition
Tous les intervenants dans un projet devraient travailler en collaboration plutôt qu’en compétition. Si on met le projet à l’avant tel que mentionné précédemment, pourquoi ne pas inclure l’entrepreneur et le surveillant dans les discussions lors de la conception. L’entrepreneur est un spécialiste dans son domaine alors il pourrait amener des solutions et des avenues qui n’ont pas été pensé avant le début des travaux. Le fait d’impliquer l’entrepreneur dans la conception permet de mettre le projet de l’avant et tout le monde travaillerais ensemble afin de viser la réussite. D’autres intervenants comme les villes, les ministères, Hydro-Québec ou d’autres entreprises de services publics devrait être impliqué en fonction de l’ampleur des travaux. Nos étés et nos périodes de beaux temps sont trop courts alors il faut tout faire pour planifier les différents projets aux mieux avant de les réaliser. Ça tombe bien car nous avons tout l’hiver pour préparer ces travaux avant la période estivale.
La sécurité des travailleurs avant tout
On entend trop souvent sur les chantiers de construction des incidents qui ont lieu malheureusement. Les travailleurs et les entreprises sont très au fait des risques des différents métiers. Certains travailleurs vont tout faire pour que l’entreprise pour laquelle il travaille performe à son meilleur et soit compétitive. Ainsi, ils vont aller se mettre en danger en allant travailler au fond d’une tranchée non sécuritaire car il souhaite que le projet soit complété rapidement. Dans la plupart des projets, le maître d’ouvrage est l’entrepreneur en tant que tel. C’est donc lui qui a le soin de faire sa sécurité. Il y a des entreprises très consciencieuses mais il arrive que pour sauver des coûts, certaines compagnies vont couper dans la sécurité ce qui fait en sorte qu’il y a un risque pour les travailleurs. La sécurité devrait être assurée à mon avis au « donneur d’ouvrage » et il ne devrait pas délégué cet aspect aux entrepreneurs. Des aspects de sécurité pourraient donc être inclus dans les différents devis afin de s’assurer que toutes les entreprises qui soumissionnent sont au fait de la sécurité sur le chantier et que le budget alloué sera ainsi respecté. Le surveillant des travaux prend ainsi en charge la sécurité des travailleurs en même temps.
La protection de l’environnement ne doit pas se faire au goût du jour
Souvent, on indique dans les cahiers des charges que l’environnement doit être protégé de façon générale. C’est bien mais ça pourrait être mieux, être plus précis dans les détails. Un peu comme la sécurité sur les chantiers, chaque entreprise qui soumissionne sur un projet estime le budget attribué pour la protection de l’environnement et il varie d’une entreprise à l’autre. Si on veut assurer la meilleure protection de l’environnement possible, il faut être plus précis et préparer les plans et devis afin que chaque entrepreneur soumissionne un prix de protection de l’environnement de la même façon car le devis peut parfois être interprété différemment d’un entrepreneur à l’autre.
Favoriser la qualité plus que la quantité
Dans la plupart des projets sur lesquels j’ai travaillé, il arrive souvent qu’il y a énormément de temps qui est mis sur le calcul des quantités. Pour bien comprendre, lorsqu’un entrepreneur pose une tonne de pavage, il est payé en fonction de chaque tonne qui est mis en place. Le principe est bon et il fonctionne dans certains types de contrats et il ne faut pas nécessairement éliminer un principe qui a fait ses preuves. Par contre dans certaines situations beaucoup de temps est mis en place pour comptabiliser les quantités. Qu’est ce qui est le plus important pour vous lors de la construction de votre maison. La quantité de béton (m3) que l’on retrouve dans votre fondation ou la qualité des fondations? Alors pourquoi mettre du temps pour calculer le nombre de mètre cube de béton, ou de mètre carré de membrane si on souhaite d’abord et avant tout une fondation étanche et de qualité ? Dans les dernières années, j’ai déjà soumissionné sur projet avec un bordereau de 1300 articles à dénombrer (mètre cube de béton, tonnage de pavage, mètre de tuyau, mètre carré de membrane, etc.). Il faut donc dénombrer au chantier à chaque mois les quantités de travail qui ont été réalisé. Pendant ce temps, qui s’occupe de vérifier la qualité du béton de l’ouvrage. Il y a des gens qui s’en occupe, c’est vrai, mais que dire des autres personnes qui comptabilisent les quantités de ces 1300 articles au bordereau. Ce temps précieux devrait être mis aux endroits les plus importants.
Consulter les associations de travailleurs
Il faut se le dire, les employeurs ne consulte pas assez leur associations syndicales. D’un autre côté, les associations syndicales ne donne pas assez leur avis dans le travail qu’ils exécutent. Ce que je veux dire, c’est que d’un côté vous avez l’employeur qui dicte le travail qu’il faut faire, il le fait ainsi depuis des années et est convaincu que c’est de cette façon que cela doit se faire mais il ne consulte jamais ses associations syndicales ? L’employeur engage des professionnels de tous les métiers et il ne les consulte même pas. Ces travailleurs de tous les horizons connaissent le travail et ont une intelligence collective d’une valeur inestimable alors pourquoi il s’entête à dicter plutôt qu’à consulter. Les projets et le travail en serait grandement amélioré et en plus, cela s’applique dans tous les domaines et non pas seulement dans le domaine de la construction. La collaboration est la clé.
La technologie au service des travailleurs
Depuis quelques temps, j’ai l’impression que dans un proche avenir, il y aura une pénurie de travailleurs. La plupart des gens souhaitent faire un travail de bureau plutôt qu’un travail physique. Il faut faciliter ce travail physique et la technologie est une solution qu’il ne faut pas ignorer. La sécurité est importante aussi comme je l’ai mentionné précédemment. Mais l’utilisation de la technologie permet de mesurer et de valider des informations qui ne pouvaient pas se faire aussi facilement auparavant. Certains équipements mécaniques permettent de plus en plus de faciliter le travail physique et de nouvelle méthode de construction permettront dans un avenir proche de faciliter le travail. Il faut donc s’ouvrir à la technologie informatique, mécanique et aux nouvelles méthodes de construction qui nous permettrons de réaliser un meilleurs travail, plus facile physiquement et avec moins de ressources.
L’eau coule encore sous les ponts
Depuis plusieurs années et particulièrement suite au rapport de la commission Charbonneau, il s’en est passé des choses dans le domaine et il est maintenant temps de passer à une nouvelle ère. Le visage de la construction a changé dans les dernières années car tout le monde est maintenant sensibilisé aux problèmes mais au fond des choses, le système est resté le même. Le problème existe encore, il faut corriger ce système qui a bien fonctionné pour certaine chose dans le passé mais qui a aussi ses failles et cela a été démontré. S’il n’est pas corrigé, la même situation reviendra plus tard car vous savez, depuis les résultats de la commission Charbonneau, l’eau coule encore sous les ponts.